Les drones équipés de caméras pour la sécurité publique

05 juin 2025

L’utilisation de drones équipés de caméras pour la sécurité publique fait l’objet d’un encadrement rigoureux du fait de leur nature particulière et des risques pour la vie privée. Ils peuvent être utilisés par certains agents de à condition de répondre à des objectifs précis.

La loi encadre l’utilisation des caméras aéroportées qui comprennent :

  • les caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord (par exemple, les drones) ;
  • les autres aéronefs équipés d’une caméra (par exemple, les ballons captifs, les avions et les hélicoptères).

Les drones sont des dispositifs discrets par nature, dont la position en hauteur permet de filmer des lieux difficiles d’accès, voire inaccessibles aux caméras classiques. Ils présentent des risques spécifiques pour la protection de la vie privée : la captation d’images qu’ils permettent est considérablement élargie, et peut être individualisée dans la mesure où elle permet le suivi d’un nombre potentiellement très important de personnes dans leurs déplacements, à leur insu et sur une durée qui peut être longue.

Qui peut utiliser des drones équipés de caméras ?

À ce jour, les drones ne peuvent être utilisés à des fins de sécurité publique que par :

  • Les services de police et gendarmerie nationales, les militaires des armées pour :
    • la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens ;
    • la sécurité des rassemblements de personnes (ex : manifestations) ;
    • la prévention d'actes de terrorisme ;
    • la régulation des flux de transport aux seules fins du maintien de l'ordre et de la sécurité publique ;
    • la surveillance des frontières en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;
    • le secours aux personnes.
  • les agents des douanes pour la prévention des mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées ;
  • les sapeurs-pompiers et marins-pompiers, les personnels des services de l'État et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile, les membres des associations de sécurité civile agréées pour :
    • la prévention des risques naturels ou technologiques ;
    • le secours aux personnes ;
    • et la lutte contre l’incendie.
  • les agents de l’environnement de l’État et des collectivités territoriales notamment pour :
    • la vérification de certaines installations (par exemple, l'état des ouvrages hydrauliques, l’octroi d’une concession ou d’une autorisation de l'État pour les installations de production d'électricité à partir d'énergie renouvelable) ;
    • la connaissance et la prévention des risques naturels (incendies, crues, mouvements de terrain, etc.).
À noter : les polices municipales ne peuvent pas recourir à des drones dans l’exercice de leurs missions.

Quelles données peuvent être collectées et selon quelles modalités ? 

Les données suivantes peuvent être collectées :

  • les images captées par les caméras installées sur des drones ;
  • le jour et la plage horaire d'enregistrement ;
  • le lieu ou la zone géographique concernée ;
  • le nom, le prénom et/ou le numéro d’identification administrative du télépilote ou de l’opérateur notamment, ainsi que le numéro d’enregistrement de l’aéronef s’il existe.

Cette collecte doit répondre aux conditions et limitations suivantes :

  • l’enregistrement n’est jamais permanent : son déclenchement ne peut intervenir que dans des conditions définies au sein du cadre juridique propre aux acteurs précités (code de la sécurité intérieure (CSI) ou code de l’environnement).
  • la mise en œuvre des drones doit être strictement nécessaire à l'exercice des missions concernées (par exemple, la sécurité des manifestations) et adaptée au regard des circonstances de chaque intervention.

Quelles garanties pour la protection de la vie privée ?

La CNIL s’est prononcée à plusieurs reprises sur les dispositions législatives et réglementaires et, à cette occasion, a appelé à un encadrement strict de l’usage des drones compte tenu des risques d’atteintes aux libertés publiques et à la vie privée des individus.

S’agissant plus particulièrement des conditions d’utilisation de drones par la police et la gendarmerie nationales, la loi prévoit des garanties permettant de limiter les atteintes aux libertés individuelles :

  • L’utilisation de drones doit être autorisée par le préfet du département concerné ou, à Paris, du préfet de police. Cette autorisation détermine l’objectif poursuivi et fixe la zone géographique strictement nécessaire à l'atteinte de cet objectif. De plus, elle précise le nombre maximal de caméras pouvant procéder simultanément aux enregistrements dans ce périmètre géographique.
  • Les images sont conservées pour une durée maximale légale de 7 jours à compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul ne puisse y avoir accès, sauf pour les besoins d’un signalement à l’autorité judiciaire.

Il n’est pas permis :

  • pour les drones de capter le son ni de procéder à un rapprochement, une interconnexion ou une mise en relation automatisé avec d'autres traitements ;
  • ni de faire de la reconnaissance faciale en temps réel via des drones équipés de caméras « augmentées » ;
  • ni de mettre en œuvre des logiciels d’analyse algorithmique en temps différé sur les images captées par des drones équipés de caméras à des fins de reconnaissance faciale.

Un domicile privé peut-il être filmé ?

Seuls les  services d’incendie et de secours (sapeurs-pompiers) sont autorisés, dans certains cas, à  filmer des lieux privés (notamment les domiciles : balcons, fenêtres, jardins, terrasses) lorsque cela est strictement nécessaire aux finalités poursuivies (articles L. 242-6 et R. 242-1 du CSI).

Les drones des forces de l’ordre de l’État (police et gendarmerie nationales notamment) ne peuvent pas filmer l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, leurs entrées. Lorsque l'emploi de drones conduit à visualiser ces lieux, l'enregistrement doit être immédiatement interrompu. Lorsque l’interruption de l’enregistrement n’a pu avoir lieu, ce dernier est supprimé à l’issue de l’intervention et au plus tard dans un délai de 48 heures. Le besoin de signalement à l’autorité judiciaire peut constituer une exception (article L. 242-5 du CSI).

S’agissant des forces de l’ordre, des militaires et des agents des douanes, la CNIL recommande de préciser dans la doctrine d’emploi les circonstances de l’intervention qui peuvent ne pas empêcher l’enregistrement dans les lieux privés, en fonction des situations opérationnelles rencontrées.

Comment informer les personnes ?

En dehors de l’information générale organisée par le ministère de l’intérieur, le public est informé par chaque responsable de traitement de l’emploi de leurs drones :

  • Pour les drones utilisés par les forces de l’ordre, par tout moyen approprié, sauf urgence ou si les conditions de l’opération l’interdisent ou si cette information entre en contradiction avec les objectifs poursuivis ;
  • Pour les sapeurs-pompiers, sur le site web du service, de l'unité ou de l'association autorisé à recourir à ces caméras ou, à défaut, par voie d'affichage dans les locaux du service, de l'unité ou de l'association, ou par tout moyen approprié, sauf si l'urgence ou les conditions de l'opération de secours l'interdisent.
  • Pour les drones utilisés par les agents environnementaux, une information préalable au survol est publiée sur le site des services de l'État dans le département au moins 48 heures avant le début des opérations de survol. En cas d’urgence tenant à la nature des risques observés, la déclaration est réalisée dans les meilleurs délais.

Les recommandations de la CNIL

La CNIL recommande d’informer les personnes susceptibles d’être filmées sur le lieu de l’opération au cours de laquelle les drones sont utilisées, par exemple, via :

  • des dispositifs sonores permettant d'avertir le public qu'une action est en cours et qu'elle est susceptible de donner lieu à un enregistrement ;
  • ou des dispositifs physiques, comme des barrières, matérialisant les différentes zones du périmètre susceptible d'être filmées.

Dans le cas particulier de l’utilisation des drones pour assurer la sécurité des manifestations, les modalités d’information des personnes filmées devraient être précisées dans la décision autorisant le recours aux drones pour filmer le rassemblement.

La doctrine d’emploi doit préciser :

  • les modalités mises en œuvre pour informer de manière concise, transparente, compréhensible et aisément accessible les personnes filmées ;
  • les circonstances interdisant d’informer les personnes.

Quels sont les droits des personnes ?

Les personnes peuvent exercer leurs droits « informatiques et libertés » et, en particulier, leur droit d’accès, de rectification et d’effacement, auprès du responsable de chacun des drones qu’il emploie (articles 105 et 106 de la loi Informatique et Libertés pour les forces de l’ordre et articles 14 à 16 et 18 du RGPD pour les SDIS et agents environnementaux).

S’agissant des drones des force de l’ordre de l’État, ces droits peuvent toutefois faire l’objet de restrictions dans le cadre d’enquêtes et de procédures administratives ou judiciaires. La personne concernée par ces restrictions peut exercer ses droits par l’intermédiaire de la CNIL dans les conditions prévues à l’article 108 de la loi Informatique et Libertés.

Quelles formalités ?

Auprès de la préfecture du département

S’agissant des forces de l’ordre, la mise en œuvre de ces dispositifs est subordonnée à l'autorisation du préfet du département concerné ou, à Paris, du préfet de police. La demande comprend les informations listées à l’article L. 242-5 du CSI.

Elle est délivrée pour une durée maximale de trois mois, renouvelable selon les mêmes modalités, si les conditions de sa délivrance continuent d'être réunies. Lorsqu'elle est sollicitée au titre de la finalité visant à sécuriser les rassemblements de personnes, l'autorisation n'est délivrée que pour la durée du rassemblement concerné.

Le préfet du département ou, à Paris, le préfet de police, peut mettre fin à tout moment à l'autorisation qu'il a délivrée, s'il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies.

Le préfet, avant de donner son autorisation, doit s'assurer que le service ne peut employer d'autres moyens moins intrusifs que les drones pour atteindre la finalité poursuivie, au regard du droit à la vie privée ou du fait que l'utilisation de ces autres moyens serait susceptible d'entraîner des menaces graves pour l'intégrité physique des agents.

Auprès de la CNIL

Il convient d’effectuer au préalable une déclaration de conformité au :

  • RU-062 (article R. 242-14 du CSI) lorsque le traitement est mis en œuvre par les forces de l’ordre de l’État ;
  • RU-067 (article R. 242-7 du CSI) lorsque le traitement est mis en œuvre par les agents de la sécurité civile (sapeurs-pompiers).

La déclaration se fait en ligne sur le site internet de la CNIL à la rubrique « déclarer un fichier ».

Attention : cette déclaration est un engagement à respecter le cadre juridique prévu par les dispositions réglementaires du CSI. Il convient donc d’en prendre connaissance et de configurer le traitement de manière conforme aux dispositions de ces textes.