Parasport : la collecte des données concernant la situation de handicap du sportif

14 mai 2024

Les acteurs de l’écosystème du sport sont amenés, dans certaines circonstances, à traiter des données personnelles indiquant qu’un sportif est en situation de handicap, notamment afin d’adapter la pratique sportive des personnes concernées. Ces données font l’objet d’une protection renforcée.

La situation de handicap du sportif est-elle une donnée sensible au sens du RGPD ?

D’après l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, constitue un handicap « toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

Les données concernant la santé sont des données sensibles, au même titre que les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, etc. (art. 9.1 du RGPD).

Une donnée de santé est relative à la santé physique (ex : conditions physiques, pathologies, antécédents médicaux, etc.) ou mentale (ex : troubles psychiatriques, etc.) passée, présente ou future, d’une personne. Elle comprend toute information concernant une maladie, un handicap, ou un risque de maladie.

Attention

Selon la CNIL, toute donnée collectée par un acteur de l’écosystème du sport qui permet d’identifier le type de handicap ou sa gravité (ex. : degré de mobilité, mention du caractère dégénératif du handicap, nature précise du handicap, mise à disposition d’un ballon de cécifoot, d’une aide humaine pour courir, etc.) est une donnée relative à la santé.

En pratique, dans quel contexte des données relatives au handicap peuvent-elles être utilisées ? Exemples dans le domaine du parasport

Certains clubs, fédérations, structures accueillant les sportifs et, selon les contextes, d’autres acteurs peuvent collecter des données relatives au handicap qui relèvent des données de santé.

Exemples de situations

  • À l’occasion de l’adhésion à un club ou à son renouvellement, afin d’adapter la pratique sportive aux sportifs en situation de handicap et de proposer une pratique sécurisée, un club peut demander à ses adhérents s’ils souhaitent une pratique sportive adaptée prenant en compte des spécificités physiques, sensorielles, intellectuelles, psychiques ou invalidantes.

    Il peut également leur être demandé d’évoquer directement auprès des éducateurs sportifs les précisions en lien avec le handicap qu’ils estiment nécessaires de leur transmettre (ex. : selon les cas, nature de la déficience pour travailler certains gestes ou, à l’inverse, en proscrire).
     
  • De même, à l’occasion de la prise de licence ou de son renouvellement par la fédération, qu’il s’agisse d’une licence « loisir » ou « compétition » pour pratiquer au sein d’un club ou d’une section « parasport » affilié à une fédération sportive, il peut être demandé aux sportifs de répondre à des questions annexes sur leur possible situation de handicap, la nature de ce dernier et les équipements nécessaires à leur pratique.
     
  • Tel est également le cas des procédures de classifications sportives. Les classificateurs (médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, techniciens formés, etc.) ont accès aux informations présentes dans le dossier médical, demandé aux sportifs dans ce contexte précis et lui permettant de concourir entre pairs à des compétitions officielles spécifiques.
     
  • La nature du handicap du sportif ou sa gravité peut également se déduire de l’utilisation qui est faite de ses données personnelles, ou du croisement de ses données avec d’autres informations. Par exemple, la photographie d’un sportif avec son handbike accompagnant la promotion du parasport dans un journal municipal.

À quelles conditions pouvez-vous traiter les données concernant la situation de handicap du sportif ?

Outre la nécessité de disposer d’une base légale autorisant le traitement utilisé, deux conditions doivent être réunies :

  1. Vous ne devez collecter des données sur la situation de handicap des sportifs que si elles sont strictement nécessaires (principe de minimisation) pour répondre à un usage précis : délivrance ou renouvellement de la licence, allocation des moyens nécessaires à la pratique du sport adapté, etc.

Ces données peuvent également être collectées à des fins de réalisation de statistiques. Dans ce dernier cas, la fédération devra s’assurer que l’enquête présente des garanties appropriées pour les droits et libertés telles que la mise en place de mesures de pseudonymisation voire d’anonymisation

Exemples :
  • Si, à l’occasion de son inscription à un club, un pratiquant indique spontanément qu’il souffre de tel trouble neurologique générant des difficultés de coordination, le membre du bureau centralisant les inscriptions peut noter la nature des difficultés pour l’inscrire dans un groupe lui permettant une pratique adaptée.

    En revanche, il ne doit pas inscrire précisément, dans un traitement automatisé ou non (fichier papier), la nature précise du trouble neurologique bien que le sportif l’ait évoquée.
     
  • Dans le cadre du programme national « La relève », lancé par le Comité paralympique et sportif français en coopération avec les fédérations paralympiques et organisé annuellement pour détecter les futurs champions paralympiques, des données sur le handicap ou encore la santé du sportif sont collectées via une série de tests (ex. : vitesse d’accélération, d’exécution, équilibre, coordination, endurance cardio-pulmonaire).

    Traitées dans le contexte de journées d’évaluation des capacités physiques générales des sportifs volontaires en situation de handicap physique, visuel ou mental et afin de déterminer le sport adapté à la nature du handicap, le traitement de ces données semble conforme au principe de minimisation.

Attention

Il n’existe pas de liste de données concernant la situation de handicap du sportif, ou en lien avec celle-ci, dont le traitement serait expressément autorisé.

Il appartient à chaque acteur d’apprécier au cas par cas l’étendue de cette collecte en fonction de son objectif, avec suffisamment de précision pour identifier quelles sont les données qui peuvent être collectées et utilisées dans l’intérêt du sportif.

 

  1. Vous devez identifier un cas d’usage autorisant la collecte de la donnée de handicap (article 9.2 du RGPD).
  • Dans la majorité des situations, le plus simple sera de solliciter le consentement du sportif et, si nécessaire, de son représentant légal. Pour que ce consentement soit valable, le sportif devra consentir, librement et sans contrainte, à révéler son handicap et la nature de ce dernier : il ne doit y avoir aucune conséquence négative sur celui-ci, notamment s’il décide de ne pas transmettre les informations.
Exemple :  inscription d’un sportif en situation de handicap à un club pour avoir une activité physique adaptée ou utilisation des données sur la situation de handicap à des fins statistiques.

 

Focus

Afin d’accompagner les fédérations et clubs dans la collecte des données sur la situation de handicap des sportifs, le Comité paralympique et sportif français (CPSF) a travaillé à des documents types (points de vigilance sur les modalités d’information des personnes et formulaire de recueil du consentement, etc.).

  • Dans d’autres cas, si des textes vous le permettent (droit de l’Union, code du sport, acte réglementaire, etc.), vous pouvez utiliser la donnée sur la situation de handicap en invoquant des motifs d’intérêt public important. En pratique, pour que de tels motifs puissent être invoqués, les acteurs doivent préalablement avoir formalisé l’encadrement de cette collecte dans des documents institutionnels officiels (ex. : contrats de délégation).
     
  • Dans d’autres cas, plus ponctuels, les données sur le handicap auront pu être manifestement rendues publiques par le sportif concerné (ex. : révélations volontaires d’un sportif, dans un article de presse à destination du grand public, de la nature de son handicap, de sa vie quotidienne et des spécificités de son entraînement à la suite de sa participation à des épreuves de coupe du monde ou à des championnats de France parasport).
     
  • Ces données peuvent également être collectées à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques. Concernant ce cas d’usage, il conviendra d’appliquer les articles 44.2 (pour les traitements statistiques) et 44.6 de la loi Informatique et Libertés (pour les traitements nécessaires à la recherche publique)
Exemple : traitement des données par l’un des services statistiques ministériels, à des fins statistiques, notamment pour évaluer le nombre de licences dans une discipline déterminée, la pratique du parasport en compétition, allouer des équipements particuliers et, par conséquent, adapter les politiques publiques.

 

Attention

Préalablement à la collecte et à l’utilisation de données concernant la situation de handicap, l’utilisation de la donnée sur le handicap n’impose pas de mener une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD), sauf si le traitement est « à large échelle ». Pour autant, la réalisation d’une AIPD est une bonne pratique encouragée par la CNIL. Dans tous les cas, il est essentiel d’anticiper la réalisation de celle-ci.

Afin de vous y aider, il est possible de télécharger l’outil PIA élaboré par la CNIL. Également, pour plus d’informations sur l’AIPD, nous vous invitons à consulter la fiche dédiée.

Les bonnes questions à se poser pour évaluer sa conformité

  • Les informations collectées sur la situation de handicap du sportif sont-elles nécessaires ? Selon le contexte, il n’est pas toujours pertinent d’indiquer la nature précise du handicap dont le sportif est porteur (on peut collecter une information sur des problèmes de coordination sans mentionner que ceux-ci résultent d’une pathologie déterminée).
     
  • Si des informations sur la situation de handicap du sportif sont collectées, sur quelle exception de l’article 9.2 du RGPD le traitement de cette donnée se fonde-t-il ?
     
  • En cas de doute, l’avis du délégué à la protection des données a-t-il été sollicité ?