Les Français sont-ils prêts à payer pour des services en ligne sans publicité ciblée ?
23 octobre 2025
La CNIL a commandé un sondage sur la perception des Français vis-à-vis de l’utilisation de leurs données personnelles et du consentement à la publicité en ligne. Ce premier volet d’une série de trois publications s’intéresse à leur disposition à payer pour accéder à des services sans .

Comprendre les nouveaux modèles économiques des services numériques
Si une partie du contenu web est proposée sous une forme gratuite, c’est-à-dire à un prix monétaire nul en contrepartie d’une exploitation des données personnelles des utilisateurs, de nombreux modèles d’affaires coexistent.
Certains, tels que les services de visionnage vidéo ou audio, ont adopté des formules d’abonnement payant permettant l’accès à leurs contenus ou à des fonctionnalités supplémentaires (modèle dit freemium). D’autres, au travers de murs de traceurs ( pay walls), font reposer leur modèle d’affaires sur une logique « consentir ou payer » (consent or pay), c’est-à-dire qu’ils laissent à leurs utilisateurs le choix entre accepter le dépôt de traceurs ou fournir une somme d’argent pour accéder à leur site.
Plusieurs types de services sont concernés par ces questions : les flux audio, vidéo, les jeux vidéo, les réseaux sociaux, les services de presse, le suivi de la santé et de la condition physique, ainsi que l’ (IA) générative.
Pour mieux comprendre l’évolution de ces modèles d’affaires, une enquête a été réalisée en ligne du 18 au 23 décembre 2024, sur un échantillon représentatif de 2082 Français âgés de 15 ans et plus. Elle a été effectuée par l’institut de sondage Harris interactive.
Ce sondage s’intéresse au rapport des Français aux modèles d’abonnement payant, notamment lorsqu’ils constituent une alternative au ciblage publicitaire. Il apporte des indications sur l’existence d’une demande pour ce type d’abonnement en fonction du service, et sur la disposition à payer des Français en la matière.
L’abonnement comme alternative
Le sondage Harris confirme la démocratisation des abonnements payants. Toutefois, il montre aussi que cette modalité n’est pas celle privilégiée par les personnes interrogées – même si les résultats dépendent beaucoup du service en cause.
À titre d’exemple, l’étude révèle que plus de la moitié des Français (56 %) paient un abonnement à un service de vidéo à la demande, pour un montant moyen de 20 euros par mois. Cette proportion diminue lorsqu’il s’agit de services audio (27 %) ou de jeux vidéo (18 %).
Pour les autres services étudiés en revanche - suivi de la santé et de la condition physique, IA générative, presse en ligne et réseaux sociaux – la part d’abonnés ne dépasse pas 10 %, avec des montants moyens compris entre 12 à 16 euros. Toutefois, entre 24 % et 33 % des personnes sondées déclarent payer ou être prêtes à payer pour ces services. Autrement dit, une proportion non négligeable et bien supérieure à celle qui paie actuellement, se dit disposée à payer pour un service actuellement non payant.
Une évolution de la monétisation des services numériques
Ces modalités de financement – abonnement ou modèles « consentir ou payer » – sont longtemps restées marginales pour des services tels que la presse, les réseaux sociaux ou encore les jeux vidéo en ligne, qui se finançaient plutôt, parfois même exclusivement, par de la .
L’apparition de ces nouveaux modèles économiques a ainsi davantage mis en lumière le fait que les services se présentant comme gratuits reposaient en réalité sur une autre forme de rémunération, tirée de l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, parfois de façon très intrusive pour leur vie privée.
Dans ce contexte où existent désormais des alternatives, le sondage Harris montre qu’en fonction du service concerné, entre 25 % et 48 % des internautes seraient prêts à transformer leur accès gratuit financé par la publicité en un abonnement payant exempt de tout ciblage publicitaire. En moyenne, ces personnes seraient disposées à payer un abonnement mensuel significatif, compris entre 5,5 et 9 euros, selon le service proposé :
Part des personnes prêtes à payer | Prix moyen (mensuel) | |
---|---|---|
Écoute en ligne | 48 % | 8 € |
Vidéo à la demande | 42 % | 6,50 € |
Suivi de la santé | 32 % | 6,50 € |
Presse en ligne | 31 % | 5,50 € |
IA générative | 31 % | 6 € |
Jeu vidéo | 30 % | 9 € |
Réseau social | 25 % | 6 € |
Il existe donc un vivier important de personnes intéressées par des offres payantes leur permettant de mieux protéger leurs données personnelles. Le sondage montre également que les personnes sont disposées à payer plus cher pour un service lorsqu’elles possèdent déjà un abonnement payant à ce service.
Ainsi, dans le cas des réseaux sociaux, 72 % des personnes prêtes à payer n’accepteraient qu’un montant inférieur à 5 euros, et 88 % moins de 10 euros. Mais le sondage souligne notamment que les 18-24 ans et ceux disposant déjà d’un abonnement payant sont prêts à payer davantage pour bénéficier d’une version sans ciblage publicitaire.
Ces résultats montrent que les utilisateurs ont une perception assez précise de leur disposition à payer pour un service, même si celle-ci varie selon les préférences individuelles. Ils offrent ainsi un éclairage pour comprendre les attentes des usagers et leur capacité à exercer librement leur consentement.
La protection des données, un critère déterminant dans le choix des services numériques
Ces résultats montrent ainsi que, indépendamment d’un abonnement à des fonctionnalités ou des contenus supplémentaires, la protection des données personnelles est valorisée par les personnes.
Ce constat se retrouve aussi dans le fait que 64 % des personnes interrogées indiquent faire attention au suivi de leurs données de navigation, en modifiant par exemple les paramètres de leur navigateur ou en utilisant la navigation privée. Cette proportion atteint 71 % chez les 15-34 ans.
De façon plus générale, il ressort également de ce sondage que 51 % des répondants considèrent la protection des données comme l’un des trois critères les plus importants dans le choix d’un service numérique. Plus précisément, 21 % la place en premier critère de choix, un chiffre proche de ceux qui privilégient d’abord le prix (26 %) ou la qualité (19 %).

Principaux critères de choix d’un service numérique
Au total, ces résultats mettent donc en évidence l’intérêt marqué des Français pour la protection de leurs données personnelles et confirment la pertinence des orientations de la CNIL : offrir davantage d’options pour les mettre les usagers en mesure de mieux protéger leur vie privée, et assurer le respect de leurs préférences.