Caméras « augmentées » pour estimer l’âge dans les bureaux de tabac : la CNIL précise sa position

11 juillet 2025

La CNIL considère que l’utilisation de caméras « augmentées » pour estimer l’âge des clients des bureaux de tabac afin de contrôler la vente de produits interdits aux mineurs n’est ni nécessaire, ni proportionnée.

En quoi consistent ces dispositifs ?

Certains bureaux de tabac utilisent des dispositifs de caméras « augmentées » pour estimer l’âge de leurs clients avant toute vente de produits interdits aux mineurs (tabac, alcool, jeux d’argent, etc.). Ces caméras s’appuient sur un algorithme d’intelligence artificielle qui scanne le visage de la personne pour estimer si celle-ci est mineure ou majeure.

Les dispositifs actuellement déployés sont activés par défaut et analysent les visages de toutes les personnes se situant dans leur champ de vision. Elles indiquent alors, par un voyant vert ou rouge, si l’âge estimé des personnes dépasse ou non un âge prédéterminé (18 ans, 21 ans ou autre).

Ces caméras « augmentées » sont actuellement utilisées par les buralistes comme outil d’aide à la décision : elles n’ont pas pour objectif de permettre aux clients de prouver leur majorité.

À la suite de plusieurs demandes et compte tenu des enjeux présentés par ces dispositifs, la CNIL a analysé, après des réunions de concertation avec les acteurs concernés, leur conformité au RGPD et à la loi Informatique et Libertés.

Pourquoi leur utilisation n’est pas conforme au RGPD ?

L’analyse du visage effectuée par des caméras dites « augmentées » constitue un traitement de données personnelles qui doit donc respecter les principes posés par le RGPD pour être légalement mis en œuvre.

Dans sa position relative aux conditions de déploiement des caméras « augmentées » publiée en juillet 2022, la CNIL rappelait qu’il est essentiel de démontrer que l’usage de ces dispositifs est nécessaire et proportionné avant tout déploiement. C’est sur la base de ces critères que la CNIL a mené son analyse.

Le traitement doit être nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi

La loi impose aux buralistes de vérifier que leurs clients sont majeurs avant de vendre du tabac ou de l’alcool. Or, ces dispositifs ne peuvent qu’estimer l’âge des personnes, sans certitude, et ils comportent un risque d’erreur, comme tout système d’intelligence artificielle. Leur nécessité et leur opportunité dans ce contexte apparaissent donc contestables.

En effet, la caméra « augmentée » ne procédant qu’à une estimation, le respect de leurs obligations suppose quand même que les buralistes demandent systématiquement à leurs clients une preuve de majorité. En conséquence, l’analyse préalable du visage des personnes par une caméra pour estimer leur âge n’apparaît pas nécessaire : elle ne ferait que s’ajouter au contrôle requis par la loi. Et, au contraire, l’utilisation de ce dispositif pourrait inciter les buralistes à s’en remettre uniquement au résultat rendu par la machine, sans plus de vérification.

Pour remplir leurs obligations de contrôle de l’âge, les buralistes doivent donc recourir à d’autres solutions :

  • La vérification d’un titre d’identité ou de tout document officiel contenant la date de naissance de la personne.
  • Certaines applications mobiles qui prouvent la majorité avec exactitude en affichant un minimum d’informations – c’est par exemple la vocation du « mini-wallet », une application de contrôle de l’âge développée par la Commission européenne et dont un prototype est attendu dès l’été 2025.  

Le traitement de données ne doit pas porter une atteinte excessive aux droits et intérêts des personnes

Comme tout système de caméras dites « augmentées », ces dispositifs d’estimation algorithmique de l’âge présentent par nature des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes, malgré certaines garanties comme un traitement local des données et une suppression rapide des images.

En effet, leur mode de fonctionnement implique une activation par défaut et en continu qui apparaît disproportionnée au regard de l’objectif visé, notamment car cela :

  • conduit à filmer toutes les personnes, mêmes celles qui sont manifestement majeures ;
  • empêche les personnes d’exercer leur droit d’opposition, pourtant garanti par le RGPD.

Ces caméras ne font pas que filmer mais analysent, en temps réel, les personnes qui y sont exposées.

Leur déploiement dans des lieux de vie comme des bureaux de tabac contribue à un risque de banalisation et d’habituation à une forme de surveillance renforcée par la multiplication de tels outils.