L’écoute et l’enregistrement des appels sur le lieu de travail
Les dispositifs d’écoute et d’enregistrement des conversations téléphoniques sur le lieu de travail sont installés à des fins de formation ou d’évaluation. Dans quelles conditions ces systèmes doivent-ils être utilisés ? Quelles sont les garanties au regard des droits et des libertés des salariés ?
Quelles utilisations possibles ?
L’écoute en temps réel et l’enregistrement sonore des appels sur le lieu de travail peuvent être réalisés en cas de nécessité reconnue et doivent être proportionnés aux objectifs poursuivis.
Ainsi, l’employeur peut installer un dispositif d’écoute et/ou d’enregistrement ponctuel des conversations téléphoniques pour :
- former ses salariés (par exemple, réutiliser des enregistrements comme support afin d’illustrer son propos lors de formations) ;
- les évaluer ;
- améliorer la qualité du service (par exemple, en étudiant le type de réponse apporté au client) ;
- dans certains cas limités prévus par un texte légal, les appels peuvent servir de preuves à l’établissement d’un contrat ou à l’accomplissement d’une transaction ;
Des documents d’analyse (comptes-rendus ou grilles d’analyse) peuvent être rédigés sur la base des écoutes et enregistrements dès lors qu’ils s’inscrivent dans ces objectifs.
À cette occasion, l’employeur ne doit collecter et traiter que des informations nécessaires au but poursuivi (données d’identification du salarié et de l’évaluateur, informations techniques relatives à l’appel, évaluation professionnelle de l’employé).
Quelles limites à ces dispositifs ?
L’employeur ne peut pas mettre en place un dispositif d’écoute ou d’enregistrement permanent ou systématique, sauf texte légal (par exemple pour les services d’urgence).
L’employeur ne peut pas non plus enregistrer tous les appels pour lutter contre les incivilités. Il doit choisir un moyen moins intrusif (par exemple : opter pour un système permettant au salarié de déclencher l’enregistrement en cas de problème).
À noter L’enregistrement des appels ne peut être couplé à un système de captures d’écran du poste informatique des salariés. Un tel système serait disproportionné et de nature à porter atteinte aux droits et libertés des salariés. Cette pratique, très intrusive, pourrait en effet conduire l’employeur à visualiser des informations qu’il n’a pas à connaître (par exemple : des courriels personnels ou liés à l’activité syndicale de représentants du personnel). |
Quelles garanties pour la vie privée ?
Les droits des employés
L’employeur doit mettre à disposition des salariés des lignes téléphoniques non reliées au système d’enregistrement, ou un dispositif technique leur permettant de couper l’enregistrement, pour les appels personnels. Il en va de même pour les appels passés par les représentants du personnel dans le cadre de l’exercice de leurs mandats.
Les personnes habilitées à écouter et accéder aux données
L’accès aux informations doit être limité aux services concernés par l’objectif poursuivi. Par exemple, si l’enregistrement est mis en oeuvre à des fins de formation, seules pourront accéder aux données les personnes chargées de cette mission.
La sécurité
Pour éviter notamment que des personnes non autorisées n’accèdent aux informations qu’elles n’ont pas à connaître, il est impératif de prendre des mesures de sécurité. Ainsi, l’employeur doit notamment mettre en place des habilitations pour les accès informatiques aux enregistrements, avec une traçabilité des actions effectuées (savoir qui se connecte à quoi, quand et pour quoi faire).
Des durées de conservation limitées
Sauf texte imposant une durée spécifique ou justification particulière, les enregistrements peuvent être conservés jusqu’à six mois au maximum. Les documents d’analyse peuvent quant à eux être conservés jusqu’à un an.
Une bonne pratique : les enregistrements « tampon » Cette pratique consiste pour l’employeur, ou la personne habilitée, à écouter les enregistrements dans les jours suivant leur réalisation et à rédiger le(s) document(s) d’analyse nécessaire(s). Les enregistrements sont ensuite supprimés à bref délai, l’employeur ne conservant que les documents d’analyse. |
L’information des personnes
Les instances représentatives du personnel doivent être informées et consultées avant toute décision d’installer un dispositif d’écoute ou d’enregistrement des appels.
Les salariés ainsi que les interlocuteurs (clients, par exemple) doivent être notamment informés :
- de l’existence du dispositif ;
- de l’identité du responsable de traitement ;
- des finalités poursuivies ;
- de la base légale du dispositif (obligation issue d‘un texte légal par exemple, ou intérêt légitime de l’employeur) ;
- des destinataires des données issues du dispositif ;
- de la durée de conservation des données ;
- de leur droit d’opposition pour motif légitime ;
- de leurs droits d’accès et de rectification ;
- de la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL ;
- Les interlocuteurs doivent être informés de leur droit d’opposition avant la fin de la conversation téléphonique, afin d’être en mesure d’exercer ce droit ;
- L’information des interlocuteurs s’effectue en deux temps :
- mention orale en début de conversation sur l’existence du dispositif, la finalité poursuivie, la possibilité de s’y opposer,
- renvoi vers un site web (et un onglet « mentions légales » par exemple) ou une touche « mentions légales » sur le téléphone pour obtenir une information exhaustive.
Au regard de la jurisprudence en matière sociale, les salariés doivent être informés des périodes pendant lesquelles ils sont susceptibles d’être écoutés ou enregistrés.
Quelle formalité ?
Si l’employeur a désigné un Délégué à la protection des données (DPO), il doit être associé à la mise en oeuvre des écoutes ou des enregistrements des appels.
Le dispositif d’enregistrement ou d’écoute doit être inscrit au registre des activités de traitement tenu par l’employeur.
Quels recours ?
Si un dispositif d’écoute ou d’enregistrement ne respecte pas ces règles, vous pouvez saisir :
- le service des plaintes de la CNIL, sur les modalités de mise en oeuvre du dispositif,
- les services de l’inspection du Travail,
- le Procureur de la République.
Texte de référence
Le code civil :
- Article 9 (protection de l’intimité de la vie privée)
Le code du travail :
- Article L.1121-1 (droits et libertés dans l’entreprise)
- Articles L.1222-3
- et L.1222-4 (information des salariés)
Le code pénal :
- Articles 226-1 et suivants (protection de la vie privée)
- Articles 226-16 et suivants (atteintes aux droits des personnes résultant des traitements informatiques)
- La loi du 6 janvier 1978 modifiée
Délibérations de la CNIL :
Réglement européen sur la protection des données
Textes de référence
- Article 9 du code civil (protection de l’intimité de la vie privée)
- Article L.1121-1 du code du travail (droits et libertés dans l’entreprise)
- Articles L.1222-3 du code du travail (information du salarié sur son évaluation professionnelle)
- Article L.1222-4 du code du travail (information des salariés)
- Articles 226-1 et suivants du code pénal (protection de la vie privée)
- Articles 226-16 et suivants du code pénal (atteintes aux droits des personnes résultant des traitements informatiques)
- La loi Informatique et Libertés
- Norme simplifiée n°57 (obsolète)